Vincent Clerc nous a rappelé que les blessures dans le sport sont le lot du haut niveau. Et l’actualité nous a montré depuis quelques mois combien le rugby prélève une quantité importante de blessés. Après les blessures de Clément Poitrenaud et l’annonce de l’arrêt de la carrière de Pieter de Villiers, il faut aussi compter avec d’autres, David Skrela ou Arias ou encore Sébastien Chabal. Et nous ne pouvons que constater également que certains d’entre eux ne peuvent s’en remettre facilement quand ils y arrivent, c’est le lot de Xavier Garbajosa depuis 2003 ou de Jonnie Wilkinson qui depuis cette finale gagnée à Sydney n’a véritablement repris que pour celle de 2007 avec tant de difficultés. Et cette liste n’est pas exhaustive ni typique.
En tous cas, je souhaite un prompt et complet rétablissement à Vincent Clerc et Clément Poitrenaud et tous les autres…
Il semble que des postes sont particulièrement visés par des blessures qui peuvent s’avérer graves. En fait il s’agit de tous les secteurs où les articulations sont très sollicitées. Les cadrages débordements des ¾, les poussées en mêlée, les placages en vis-à-vis (poder a poder comme disent les banderilleros), les coups… (Mais on peut voir aussi qu’un athlète comme Ladji Doucouré a beaucoup de mal à revenir à son meilleur niveau depuis 2 ans…) Alors ! Des médecins se penchent sur la question, mais voilà, y a-t-il une réponse ? Et je ne veux parler que des joueurs de rugby. Un jour peut-être y aura-t-il une réponse à ces difficultés, je n’en doute pas.
En 1987, l’équipe de France de rugby est en finale de la coupe du monde face aux All Black de Nouvelle Zélande, après trois semaines d’intenses combats, de défis physiques impressionnants et de chocs puissants… Peu de blessés graves aux articulations à déplorer… Deux athlètes français ont fait parler leur classe et vont continuer leur carrière encore longtemps, Patrice Lagisquet et Serge Blanco. Ont-ils été blessés, oui certes, mais ont-ils eut les mêmes accidents que Vincent Clerc, que Clément Poitrenaud et d’autres ? Ont-ils vu leur saison amputées de plus de 6 mois pour une blessure ? Je crois que non. Il est vrai que nous voyons cette année 2 des meilleurs joueurs de leur génération arrêtés pour des accidents graves, d’autres ne le sont pas. M. Novès ne cessent de se lamenter des cadences infernales et pourtant, il a une écurie impressionnante et nous avons vu de nouveaux joueurs apparaître dans l’effectif du Stade Toulousain, mais les meilleurs sont des compétiteurs et ils ne sauraient être écartés et voilà qu’une blessure grave va arrêter l’un des meilleurs d’entre eux pour 9 mois au moins – demandez à d’autres…
En fait, il suffit de constater quelque chose. Pour ce qui concerne Vincent Clerc, il ne lésine pas sur les séances d’entraînement et cela aurait dû lui épargner la blessure, mais voilà, en tant que rugbyman professionnel, il se doit d’être toujours plus performant aussi bien en améliorant ses propres qualités que tenter de corriger ses faiblesses (prise de poids par exemple). Pour reprendre l’exemple de P. Lagisquet, de P. Bernat-Salles, voire de C. Dominici, qui n’avaient pas un physique impressionnant, ils n’ont pas cherché à prendre de la masse musculaire ou à faire de la musculation de culturiste, mais ils cultivaient leurs qualités de débordement de vitesse et les accidents musculaires se résolvent plus vite que les arrachements des ligaments ou des tendons d’achille. En outre, il y a peu de récidive dans les accidents musculaires alors que les accidents d’articulation sont certes réparés mais peuvent entraîner des accidents des cartilages sur lesquels sont fixés les tendons, et puis après c’est l’os… Je sais que de grands chirurgiens s’occupent de ce type d’accident et que des progrès sont faits dans ce domaine, mais je vois que Ronaldo en est à sa troisième grosse intervention au même genou… Et je vois quelle est la souffrance de Xavier Garbajosa.
Il est facile de me rétorquer que Lagisquet ou Bernat-Salles étaient d’une autre génération, celle du rugby encore amateur. Et c’est vrai que c’était le sport « amateur » (avec dessous de table quand même), mais la sollicitation était la même. Lorsqu’il faut affronter les blacks ou les springboks, on a affaire à du lourd, et les équipes anglaises de 1991 à aujourd’hui sont aussi très lourdes. Lorsque Pieter de Villiers cessent son activité professionnelle c’est à cause de problèmes aux cervicales… Je ne sais pas si son compère Sylvain reviendra jamais à son niveau d’avant son accident de ski, mais c’est un autre débat. Les packs sont lourds, mais pas beaucoup plus que du temps béni des Garuet, Paparemborde ou Dospital, en revanche, c’est la masse d’entraînements, des séances de musculation qui fait la différence… Est-ce qu’une équipe de France aujourd’hui pourrait faire aussi bien que celle de 77 ?… 15 hommes, les mêmes à tous les matchs du Tournoi. Vous me direz qu’à l’époque, il n’y avait que 4 matchs… Et alors, aujourd’hui ils sont 22 sur la feuille de match et ils entrent tous ou presque sur le terrain…
Oui, c’est vrai aujourd’hui, il faut rentabiliser les investissements des clubs, comme si l’homme pouvait être une matière première d’une industrie… Bon, c’est un autre débat encore. Dans les années grandioses du rugby français (1968-1999), le championnat était souvent un championnat en « poules » de quelques équipes avec une phase finale de seizièmes à la finale. Les joueurs jouaient donc moins qu’aujourd’hui et étaient plus ou moins aussi performants, toute proportion gardée. Les gallois et les irlandais actuellement ne font qu’une quinzaine de matchs par saison, et… Les uns ont gagné le grand schlem les autres ont eu une équipe très performante pendant ces 5 dernières saisons… Des gallois ont remporté la coupe Anglo-celtique face aux Leicester tigers et le Munster est toujours en course pour la H Cup…
Cet accident de Vincent Clerc me fait écrire ce bout de papier, mais fait-il réfléchir les instances du rugby français… Ils voudront (c’est le vœu de SB), s’ils en tirent une conclusion, créer une structure de 6 à 10 clubs, excluant de la sorte 20 clubs et plus qui participent à l’évolution du jeu et qui drainent l’enthousiasme d’un public toujours nombreux (la première ligue de foot, c’est une vingtaine de clubs et autant en D2). Si les instances du rugby en revenaient aux poules, d’une part, les joueurs internationaux seraient moins sollicités et seraient plus opérationnels et d’autre part, plus de public viendrait au stade (moins de 3000 personnes à Colombes hier pour voir l’affiche Metro-Racing contre La Rochelle !!!). Il est vrai qu’une autre possibilité serait le « salary cut », mais comment cela pourrait-il fonctionner chez nous ? Une autre possibilité, c’est de donner un petit temps de parole à une association de joueurs (PROVALE ? je n’y crois pas, c’est l’antichambre de la LNR). Nous sommes confrontés ainsi à une série de questions qui se posent au sport français avec la professionnalisation – ce n’est pas un phénomène qui touche le rugby exclusivement :
- la formation professionnelle des joueurs à tous les postes (pas de piliers en France…),
- la formation des médecins de clubs (aujourd’hui pas beaucoup de spécialistes mais beaucoup de copinage),
- la formation des instances des clubs et de la FFR et de la LNR,
- les règles du jeu et la formation des arbitres,
- l’après carrière
Mais, le foot français, professionnel depuis la nuit des temps, n’y est pas parvenu, le rugby a du pain sur la planche mais il n’y a aucune raison pour baisser les bras et se lamenter.