Je voudrais réactualiser certaines réflexions sur l'évolution des règles depuis maintenant 2 saisons.
Comme le soulignait déjà Conquet dans ses 2 maîtres-ouvrages, la volonté de transformer le rugby pour le rendre plus spectaculaire aboutit toujours exactement à l'effet inverse.
Par exemple, on a collé les flankers pour donner du champ aux 3/4 : les équipes ont durçi les qualités défensives (donc athlétiques) de leur centre (c'est le poste qui a le plus évolué athtétiquement depuis 10 ans : plus de 10kg et 5 cm en moyenne de gain !) et les qualités de placage au détriment des lancements de jeu. Sur le R1, la défense cherche d'abord à enterrer le ballon adverse plutôt qu'à le récupérer.
Par exemple, on a mis tout le monde à 10m derrière les touches et notamment l'attaque qui commence toujours par reculer pour jouer, etc ...
Plus recemment, plusieurs règles ont été proposées avec quel bilan ?-
Le placement à 5m en défense derrière mêlée a permis d'avantager l'attaque qui peut partir directement sur la ligne de front. On peut considérer cela comme un progrès "offensif" même si les équipes n'en font pas grand chose, à part des départs de 8 proches de la ligne d'essai. Les combinaisons possibles n'ont pas vraiment été étudiées.
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La possibilité de jouer les touches rapides pas droites. Mise à part l'hérésie que cela constitue par rapport aux exigences qu'on a pour les autres touches (combien de lancers pas droits pourrissent la conquête "normale" !), ces touches ont surtout servi à casser l'efficacité de l'occupation. Souvent quand l'équipe adverse trouve une touche d'occupation, l'adversaire joue vite pour retaper. Et suivent des séquences stériles, où, au mieux, le 15 ou l'aillier font mine de relancer dans le centre du terrain avant de taper une chandelle à la continuité improbable.
Globalement cette règle ne sert à rien. Pire, elle dénature le jeu en évitant ces moments de combat, jugés ennuyeux par nos décideurs, créés par une touche d'occupation. Après tout, il y avait une possibilité de gagner la balle pour le camp qui a tapé qui n'existe quasiment plus.
Utilisée à foison parce qu'elle apparaît sans risque, cette règle est devenue inutile au mieux et stérile au pire.
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refus des touches trouvées après être entré dans ses 22m. Cette règle n'a pas apporté grand chose sinon de laisser le ballon sur le terrain, plein axe. A priori, cela aurait dû permettre des relances via le 3è rideau mais concrètement, la plupart du temps, l'équipe qui récupère tape à son tour. Une règle stérile.
- La
possibilité d'écrouler les mauls. On est revenu sur cette décision qui dénaturait notre jeu. L'aspect collectif du combat reste notre principal point de divergence avec le XIII et il faut préserver ces moments où la cohésion technique d'un collectif moins puissant individuellement peut l'emporter. On a cassé cependant une dynamique. Certes, la pénaltouche était devenue omniprésente mais après tout, elle était une arme collective pour les équipes. Depuis son retour, le maul, qui avait souvent disparu, n'est pas à ce jour redevenu une arme. On constate qu'il y a une grande tolérance arbitrale sur l'attitude du premier défenseur qui écroule ou tente d'écrouler de fait souvent le maul naissant ... Les mauls derrière touche ou mêlée ont quasiment disparu alors même qu'ils permettaient d'alterner le jeu directement sur la ligne de front. etc ...
Cela reviendra peut-être mais rien ne dit à ce jour que la perte en 1 saison de ces repères collectifs seront réappris.
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le ruck. C'est devenu le point central du rugby moderne, celui qui focalise toutes les attentions et l'action la plus recurrente d'un match de rugby. On est parti d'une forme de dérive où tout était autorisé pour l'attaque. Cela nous a donné les picks and go du Munster, hérésie de la règle puisque le but était d'empêcher tout défenseur de jouer le ballon et tout jeu ! La saison passée, on est revenu à l'essence de la règle en rappelant l'esprit du réglement sur les positions des soutiens. Le turn over est redevenu une vraie possibilité mais en aboutissant à donner plus de poids aux interprétations de l'arbitre. Sans doute pour corriger le tir, on vient de changer la règle en donnant une vraie liberté d'action (et contre la nature du jeu selon moi) à l'attitude du 1er gratteur.
Je pense que ce point va une nouvelle fois dénaturer notre jeu et affaiblir le jeu d'attaque malgré les intentions initiales.
Actuellement avec 1 plaqueur et 1 bon gratteur (c'est parfois le même), 2 joueurs peuvent entièrement bloquer toute une équipe.
L'attaque est donc souvent pénalisée car pour lancer une attaque, il faut prendre de la profondeur et donc prendre le risque de couper le porteur de balle de ses soutiens immédiats. Avec la liberté nouvelle laissée aux gratteurs, les soutiens sont très souvent en retard et là où, au contact, le gratteur devait lâcher la balle ("hands off"), il peut contester avec son temps d'avance.
L'attaque est très souvent pénalisée : on est un temps en retard et/ou on plonge pour arracher ce "pou" bien campé sur ses appuis. On note d'ailleurs une dérive : le gratteur fait semblant de gratter et se love sur le porteur de balle au sol en gardant cependant ses appuis au sol empêchant les soutiens de jouer. Au titre du "1er arrivé, 1er servi !", l'arbitre considère que ce 1er joueur au ballon est dans son droit.
On vient de reinventer "l'esprit du pick and go" mais au profit de la défense !Très logiquement, les attaques ont 3 solutions dont 2 sont "anti-offensives" :
- Refuser de jouer dans son camp car les risques de sanction sont réelles ;
- mettre les soutiens très proches, à hauteur pour vite venir au soutien mais il faut au moins 2 soutiens debout contre 1. Concrètement, l'attaque est ensuite en sous-nombre et sans profondeur (d'où retour au choix 1 après 2 temps de jeu).
- Jouer debout autour du porteur de balle avant contact ou après, ce qui est très dur tant les R1 se sont athlétiquement et numériquement solidifiés. Les SUDAF sont champions du monde car ils ont actuellemnt des joueurs athlétiquement supérieurs aux adversaires (pourquoi ?) et eux seuls peuvent user dans la ligne et devant la ligne les défenses adverses dans un jeu qui flirtent avec la bêtise qui met à l'honneur la force brute.
Dans ce contexte, l'essai est de plus en plus rare (dans les confrontations de rang) et souvent le résultat d'une intiative adverse. L'attaque est forcément frileuse et le jeu au pied gagne en importance (et aussi les décisions arbitrales). Il est devenu banale qu'on tente des 60 mètres !
La tenue du ballon, même stérile, devient l'enjeu du jeu (on aligne des temps de jeu en espérant qu'à un momnt ça passera ou que l'arbitre sanctionnera la défense) et on s'en sépare que pour occuper.
A mesure que les biscotos se gonflent, le rugby devient anoréxique !