J'ai fait un rêve : le jeu "à la française"

Je ne parle pas souvent de mon amour du Jazz... et de ce que je crois etre la connexion entre le jazz et le rugby... Voici un blog recent du " Monde" qui en parle mieux que je ne le peux moi-meme...

30 octobre 2008

A la recherche du « french flair » perdu








L’idéem’effleura tout d’abord de coller des affichettes dans les rues du vieux Nice:
« Avons perdu french flair, prière de téléphoner au 04.93…si vous le retrouvez, récompense substantielle assurée ! »
Puis m’interrogeant sur la pertinence de mon action et
devant la perspective de devoir mettre la main à la poche en cas de
succès, je décidais d’abandonner ce projet saugrenu.
Du néant ne naît rien d’autre que le néant, tout ce qui se manifeste est le fruit d’un travail antérieur.
Les musiques improvisées, dont le jazz, obéissent aussi à
ce principe et l’auditeur écoutant le chant sublime d’un Dexter Gordon
inspiré lancé en pleine improvisation, ne coudoie finalement que le
résultat du labeur, ignorant tout de la partie immergée de cet iceberg
mélodique.
Dans l’urgence musicale, l’improvisation est avant toute chose le produit d’un travail harassant et quotidien.
Le « french flair », pochade rugbystique et
mélange subtil d’initiatives et de spontanéité, est à sa manière une
musique improvisée qui, tout comme le jazz, nécessite en amont qu’on
s’échine sur son cas, qu’on y monte et descende ses gammes.
Dans sa dernière chronique
, Pierre Villepreux déplorait que les initiatives personnelles ne
rentrassent plus dans le projet de jeu, projet fait de tactiques, de
stratégies collectives rigoureuses qui biffent l’improvisation en
imposant ce que les anglais appellent le « game plan ».
Or ce que l’on qualifie communément de « french flair », anachronique facture aujourd’hui, est en quelque sorte la négation de cette manière anglaise.
A la lumière de cet état de fait, il me semble que l’on
pourrait s’inspirer du travail de l’improvisation jazz pour retrouver
ce qui faisait la particularité de notre jeu latin.
Un chorus se construit morceaux par morceaux, il est
bien rare que les jazzmen utilisent la grille entière ; ils la
morcellent en petites cellules harmoniques, ce que l’on nomme les
cadences, enchaînements d’accords récurrents que l’on retrouve dans la
plupart des standards.
Utilisation des gammes, mise en place de plans, patterns
musicaux prêts à l’emploi, tout y passe, y défile sous toutes les
formes et dans toutes les tonalités possibles pour se créer un
vocabulaire à soi.
L’enjeu de cette débauche acoustique, dérouler un paysage
sonore dans l’urgence, imposer sa propre musique sur la grille
harmonique du thème, ou contre la grille harmonique, en totale symbiose
avec les accompagnateurs. Le solo n’est pas un acte solitaire, c’est
tout le groupe des instrumentistes qui agissant, interagissant
ensembles, emmène la musique vers cet ailleurs qu’est l’improvisation
jazz.
Un match de rugby est composé aussi de cellules
récurrentes, accidents du jeu, qu’on peut isoler et travailler en
situation pendant les entraînements.
Là un ruck, ici un ballon récupéré sur un placage, ou encore un ballon mal dégagé.
Libre aux entraîneurs d’utiliser ces cadences propres au rugby, et de les travailler jusqu’à usure de la trame, y imposer leurs gimmicks
(plans) mais aussi donner la possibilité, la liberté de choix au
soliste, à celui qui ballon en main va improviser dans l’urgence son
chorus, soutenu, épaulé dans l’exercice, par des coéquipiers
accompagnant subtilement l’instrumentiste. Car c’est le porteur du
ballon, tout comme le virtuose d’un ensemble jazz, qui détermine la
direction que prend le jeu, le récit, ou tout l’art de l’accompagnement
réclame de la part des compagnons de fortune une écoute attentive et un
complet assujettissement à cette chanson spontanée.
On est au service du jeu, comme on est au service de la musique, voilà la vérité.
Marc Lièvremont, sélectionneur du XV de France poussant
les joueurs à se responsabiliser, pressant ceux-ci à se séparer des
automatismes dans lesquels ils sont encamisolés, est finalement l’un des rares à tenter de rallumer la flamme.
Retrouver le « french flair », tel semble son ambition, tache ardue pour l’heure, car allant à l’encontre des plans du rugby français.
R.R



01 novembre 2008 Publié Non classé | 20 Commentaires | Lien permanent | Alerter

Voici une autre rubrique de Nice rugby dans "Le Monde" d'il y a quelques jours...


19 novembre 2008

L’Australie… « C’est là qu’est l’os ! »








Deux tests matchs gagnés sur deux déjà joués, cette arithmétique
implacable pourrait nous conforter dans un optimisme douillet si la
valeur réelle de ces exploits n’était en cause.
L’Argentine chloroformée de Marseille ne ressemblait
guère à celle du stade de France certain jour d’octobre 2007, quant à
la brouillonne sélection des Pacifics Islanders, elle n’aura été qu’un
faible faire-valoir pour un quinze tricolore pas moins brouillon.
L’équipe de France ? Un petit début d’équipe, une
ébauche… Un brouillon, oui justement c’est ça : un brouillon ! Comme si
le jeu n’était pas encore bien fixé, comme si l’on nous présentait un
produit mais sous une forme incomplète, une symphonie rugbystique
inachevée ; des intentions certes, mais beaucoup de maladresses dans le
dernier geste, des imprécisions, des approximations.
On évoquait, il y a peu (cf. « A la recherche du french flair perdu »), l’autorité des stratégies collectives, du « game plan »,
en matière de préparation des joueurs, argumentant que ces méthodes
trop compassées restreignaient a posteriori les prises de risque
individuelles à l’intérieur d’un groupe. Hélas, cet effet secondaire
n’est pas l’unique manifestation des méfaits d’une surdose de la
maudite marotte, celle-ci développe aussi chez le joueur un
appauvrissement de sa technique individuelle car privilégiant à
outrance le collectif au détriment de l’individu. Ludovic Chambriard,
entraîneur adjoint de Limoges la saison dernière (Pro D2), me confiait
récemment que devant les carences techniques affichées par les joueurs,
il avait dû introduire des séances individuelles pour pallier cette
absence incongrue.
Comment expliquer différemment d’ailleurs, ces deux
passes grossièrement vendangées de Cédric Heymans s’intercalant dans la
ligne contre l’Argentine sans aucune pression adverse ? Puis cette
question en entraîna d’autres : Comment ne pas remarquer que le porteur
du ballon va souvent trop loin, fait le pas de trop avant de donner son
ballon ?
Pourquoi vouloir absolument transmettre le cuir, cher au
matamore pilier, après contact ? Pourquoi pas avant ? Car en passant le
ballon avant le contact, aucun risque qu’une menotte malveillante ne
vienne contester celui-ci ou tenter d’interrompre la passe,le passeur
ayant la possibilité par la suite de rester en soutien de son
partenaire.
Ainsi je me mettais à rêvasser de prises d’intervalles,
de vitesse de bras plus que de vitesse de jambes, de surnombre en
attaque, quand je tombais par hasard sur le grand chelem 1998 de
l’équipe de France rediffusé par ESPN. Aie, aie, aie !!! Des avions,
des fusées, qu’on les croirait une trentaine sur le pré, le ballon qui
vit, le plaisir du jeu gravé sur les visages… Un Sadourny… Un Califano…
Pelous, Brouzet, les deux Lièvremont, et un ENORME Olivier Magne,
troisième ligne jouant comme un trois-quarts, ici une sautée (et dans
les mains !), là c’est une passe au pied qui fait marquer
Bernat-Salles, ENORME vous dis-je ! Du coup, je me dis qu’à l’évidence,
Lièvremont, N’Tamack et Retière ont certainement des idées précises sur
le jeu, leur jeu, mais que peut-être, ils n’ont pas les bonhommes pour
le pratiquer ! Et samedi, l’Australie !
Les Aussies qui ont pris un malin plaisir à châtier
l’anglais là où ils avaient pêché lors du quart de finale de coupe du
monde perdu à Marseille. Caterpillar devant, efficaces et solides
derrière, des gabarits et des troisièmes lignes gratteurs, faudra pas
tomber, ni faire toutes ces fautes récurrentes au sol. Franchement,
pour l’heure, je ne vois pas comment notre XV de France peut les
battre. Répondre à l’épreuve de force promise devant sera déjà une
gageure, alors les battre !
Mon sujet une fois bouclé, restait alors à lui trouver
un titre… Là, j’avoue que je butais méchamment sur le contrecarre
lorsque ma grand-mère, « la Suzanne », passant derrière mon dos psalmodia cette réplique on ne peut plus célèbre de « la grande vadrouille », débloquant d’un seul coup d’un seul la situation :
« Il n’y a pas d’hélice hélas, c’est là qu’est l’os ».
Je m’aperçus que justement si, Il y avait l’Ellis dans l’encadrement du quinze tricolore, et paraphrasant à mon tour une Tornaderie non moins illustre, je répliquais du tac au tac : « Impossible pas français » ?
R.R

Ce texte est un commentaire à l'article "Le jeu à la française existe-t-il ?" paru dans le midol Mag n°97 du 3-3-08

J’ai fait un rêve : le jeu « à la française »


Le jeu français est un mythe. En effet, si beaucoup se prévalent d’une « french touch » ou d’un « french flair », on est bien en peine d’essayer de définir une spécificité de jeu véritablement française, à moins de décider égotistement que toute belle phase de jeu jouée par les français soit estampillée « french flair ».

Voir les Blacks et puis mourir

Parler de jeu « à la française » serait donc une expression usurpée. S’il est possible d’identifier une stratégie australienne (fondée sur la latéralité et la conservation du jeu), une identité de jeu neozélandaise (reposant sur l’attaque frontale de la ligne de front avec continuation du jeu après contact) ou un jeu « à l’anglaise » (un jeu à une passe autour du pack et une occupation chirurgicale du terrain), il est bien difficile d’établir un tel plan général de jeu qui qualifierait sans ambiguïté un jeu français. Si la DTN sous l’influence delaplaco-villepreusienne établit des compétences et une méthode de pédagogie et de lecture du jeu, le rugby français est plus l’accumulation d’un patrimoine
http://fr.youtube.com/watch?v=4bkA6A...eature=related
aussi décousu que talentueux qui intègre l’élégance de Jean Dauger, la rigueur créative des frères Boniface, Le demi-tour-contact de Lucien Mias les relances impossibles de Blanco, l’école Lourdaise, la manière bittéroise, le flair agenais, la qualité toulousaine, le mordant toulonnais, le showbiz racingman, etc… Autant de figures légendaires qui ponctuent des exploits mythiques entrecoupés d’échecs retentissants. Cette inconstance de l’exploit encore illustrée au cours des CdM 99 et 2007 semble confirmer qu’il n’y a pas véritablement de stratégie française en tant que telle.



Alors quoi ? Le « french flair » ne serait qu’une peau de banane de la Perfide Albion pour nous pousser aux tentatives empanachées et ridicules, à l’image de ces 2 relances impossibles des bleus du Tournoi 2008 qui « offrent » la victoire à une très pâle équipe d’Angleterre ?
Ce n’est pas si simple car si le « jeu à la française » n’existe pas, il existe au moins un jeu que nos adversaires reconnaissent comme typically froggy.


Mad in France

Si on parle de « french flair » (expression ambiguë et pas forcément flatteuse), c’est qu’il existe tout de même une façon de jouer particulière qui colle à « l’esprit français » : une indéfinissable capacité à réussir l’impensable, quelque chose qui rappelle Cyrano de Bergerac : « C’est impossible, dîtes-vous : ce n’en sera que plus beau », un plaisir du beau geste qui méprise le geste victorieux s'il est trop empreint d'évidence et de facilité.


C’est cette capacité à inventer, à surprendre, qui nous est reconnue et qui nous rend capable des exploits les plus fous, les plus incroyables. Finalement, l’expression britannique de « french flair » rend peut-être raison à cette folie avec une condescendance méfiante : celle du maître qui reconnaît aux cancres une capacité cachée, géniale, qui ressort à l’occasion et inaccessible à la constance appliquée du maître. L’essai de Saint-André à Twickenham en 91 en est une parfaite illustration. Avec la conclusion qui va avec : une défaite brillante, celle qui nous donne une « victoire morale » avec le rire goguenard du morveux qui a bien réussi son coup.

http://fr.youtube.com/watch?v=nXk-0qT4lYI


Qu’il y a-t-il de français dans ce « coup de sang » qui part … d’une pénalité anglaise ratée ? D’abord, l’idée d’aller chercher l’essai, impulsée par Blanco : une envie impossible, irrationnelle, une idée « française » à coup sûr ! Et puis, la croisée Sella-Cambéraberro qui élimine la moitié des anglais en repli ; les 2 coups de pied de Guy qui rendent le ballon lunaire, insaisissable, perdu pour la défense et dont la couse empanachée s’achève en offrande pour le goret, vraiment dans le maïs … Essai de ¾ typiquement français rapides, entreprenants : inspiré par un désir de course dans l’intervalle et de passes magiques qui ouvrent l’espace.


Jeu de nains, jeu de coqs au vin !


D’où vient cette approche artistique de la passe et du jeu ? Les historiens la trouvent parfois dans le jeu de la barette, cette « soule » jouée en toucher qui repose sur l’évitement, la feinte, le décalage et développée dans le sud girondin (la soule « dure » est plutôt présente dans le Nord Ouest au 19ème siècle). Et si cette fantaisie galopante était comme une adaptation très darwinienne aux caractéristiques physiques largement supérieures des adversaires. Car dans le palmarès morphologique du rugby, Olivier Merle est bien l’exception qui confirme la règle.

Condamné à la domination physique, c’est dans l’esquive que le pays de l’escrime a trouvé un droit à l’existence. Rugby, sport de combat, mais alors combat de coqs : rusons, courrons ! Et quand les avants français interviennent, c’est pour eux aussi envoyer à l’aile dans une conception du jeu où le rôle finit par prédominer sur le poste :
http://fr.youtube.com/watch?v=54_2gyRv3uI .


Car dans cet « essai du bout du monde » (Blacks 91), le mouvement est par deux fois sauvé par Abdel Benazzi qui se découvre des appuis de feu et par un Laurent Cabannes qui croise-décroise comme un salut à Philippe Sella, injustement suspendu pour cette victoire impossible. Sans ces 2 interventions lumineuses, le désordre eut cessé ; le maître eut sifflé la fin de la récré.
Dans la même veine, l’essai victorieux de 87 de Serge Blanco (à tout seigneur tout honneur) contre l’Australie :
http://fr.youtube.com/watch?v=q-Se851WHX8
où les avants se prennent au jeu dans une orgie gargantuesque de passes qui titillent jusqu’au mal de tête (l’arbitre y compris) toute logique du jeu, tout plan établi.


« Lâchez nous le basque ! »

Alors, il n’y aurait rien à dire, rien à penser ? Les français ne seraient que des improvisateurs géniaux, des garnements du jeu, finalement incapables de la rigueur militaire qui est finalement le but originel de ce jeu en réalité fait pour la gentry destinée à intégrer l’élite de l’armée impériale britannique. Révolutionnaires, les français : décidément indociles, brillants mais doux fous. Etonnant pour un pays qui se pique d’être celui de Descartes …Et pourtant. S’il n’existe pas vraiment de jeu au sens stratégique « à la française », la tactique « française » existe belle et bien : toujours attaquer sur la ligne en confrontant le fort au faible, prendre dans la danse qui ne peut suivre le rythme. Il y a donc une inspiration française, une adaptation aux circonstances du jeu qui contourne la difficulté avec la certitude que le plus court chemin n’est pas la ligne droite.



Quelles seraient les conditions de cette adaptation permanente ?
D’abord, une vision de jeu qui intègre l’espace-temps. Pour attaquer, il faut lire le futur en acceptant d’inverser la logique : jouer pénétrant pour libérer le large. Cette anticipation du possible, cette redécouverte de la relativité, serait comme une donnée génétique du joueur français : une forme de combinaison permanente, en mouvement accrochée à l’idée que la balle va plus vite que le joueur. La loi d’airain du « jeu à la française » : le 2 contre 1. Appuis illisibles, passes variées
(http://fr.youtube.com/watch?v=WAJjqWnBjxQ)
, course du soutien, jeu du regard : tel est le B.A BA du jeu français tel que la mémoire le rêve depuis Jean Dauger, promu inventeur de l’utopie, père fondateur de la tradition. Aussi ce centre bayonnais de légende a montré le chemin du rugby de France : le cœur est au centre, ce que la mythologie des frères Boniface viendra confirmer.


Quels sont alors les pas compliqués de cet entrechat ?
http://fr.youtube.com/watch?v=JfMp5a6jex8&NR=1
Préaction des appuis et du regard tourné vers le ciel ouvert du Stade Olympique de Colombes sans tribune fermée : il s’agit de prendre la fille de l’air. Devant la défense, la souris malicieuse nargue les gros chats : échappant à la griffe, le franchissement se fera sur les jambes, tête et épaules hautes. Dans la porte, les amis, garçons de course, s’engouffrent comme pour participer à la fête déclenchée par l’appel d’air. On joue avec le feu, dans la défense, n’hésitant pas à offrir son corps à la science du jeu. Puis c’est l’extase d’une fière guirlande dans le dos de la défense : les courses deviennent folles, dans un éparpillement de flèches voyantes qui pré-voient l’avenir. L’imprévisible est désormais en route, la mêche est allumée. http://fr.youtube.com/watch?v=0mObve...eature=related Tout est mis en jeu, armes et bagages : la technique devient une légèreté échevelée, les gestes justes s’enfilent comme des perles avec une facilité crâne qui étonne le soldat britannique. Le gaulois se fait poète romantique qui traduit « French flair » en « fraîche fleur ». L’essai ne suffit pas : il est tranformé, transfiguré en merveille. Plus que « l’essai » : la « réussite » d’un projet de beauté collective, une performance publique, une main courante festive. Le jouir de gloire est arrivé …
http://fr.youtube.com/watch?v=pG-ILl...eature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=K_GUNs...eature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=hI9UIK...eature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=NNlShi...eature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=Ye-lX-1bG7k


(...)

(...)

Main basse sur le vil

Il y a un eros de la beauté à concevoir le rugby ainsi. Un refus hautain à la simplicité mathématico-physique d’un jeu frontal au sens de bas du front. Car cette volonté est difficile : elle ne se limite pas aux arabesques ésotériques d’un duo fraternel. Elle signifie une direction, une ligne possible pour les 15 joueurs, avants devant comme toujours.



L’avant français a sale réputation. Sebastien Chabal est le dernier avatar d’une lignée de rudes gaillards, reconnus de l’autre côté du Channel pour son sadisme, sa violence et sa férocité bestiale, so chocking pour ces gentlemen étonnés de rencontrer des voyous. Cette réputation des avants qui touche à la figure canonique de l'"ogre" (rappelons que le mot vient de "Huns" : pour les grands bretons, la "férocité" française est celle d'envahisseurs qui "barbarisent" les saintes lois du jeu), tient autant de la mauvaise foi que des incroyables méconnaissances de la règle par les premiers frenchies mal dégrossis par les joutes de la soule.


Ce « malentendu » historique recevra une cuisante illustration en 1992 quand les français, emmenés par un Tordo et un Moscato peu lucides, recevront 2 cartons rouges mérités (Lascubet et Moscato). Nous sommes en pleine « fièvre béglaise » : http://fr.youtube.com/watch?v=H6Ex2h...eature=related http://fr.youtube.com/watch?v=vSSqYL...eature=related et le rugby français semble retrouver ses vieux démons. Au rigoriste et aristocratique respect britannique de la règle , la vision française du rugby flirte parfois avec l'esprit frondeur, la coquinerie du gueux. Le rugby français, contrairement à son homologue britannique, a su trouver le coeur du petit peuple gascon. Populaire, l'ovalie tricolore se nourrit aussi des mauvais garçons des "classes laborieuses, classes dangereuses". Longtemps, l’élite amateur du rugby français sera un démenti lumineux à la lutte des classes : les avants issus de la paysannerie et du monde ouvrier porteront à bout de bras, d’oreilles et de mâchoires les lignes arrières, plutôt issues des classes libérales et supérieures. Avec toutes les exceptions et les nuances obligatoires devant un tel raccourci (Blanco était ajusteur ; Mias était médecin).
Mais cette légende peu reluisante et parfois injuste (cf. le procès d’intention contre les avants français de la tournée de 58 en Afrique du sud http://fr.youtube.com/watch?v=psoO7hSSKoQ&NR=1 ) a aussi sa part du « jeu à la française ». Si le jeu de France a ses trésors exotériques, il le doit aussi aux travaux d’Hercule de ses « mineurs du fond » qui ont à résoudre la quadrature du cercle : comment exister quand on est athlétiquement inférieur.



Si nos avants ont (avaient) cette sinistre réputation, c’est que l’herbe n’a pas toujours repoussé là où ils sont passés. Nos gaulois ont fait souvent tomber le ciel sur la tête de leurs adversaires à l’image de la victoire de 99 ou de 2007 sur les blacks, blacksboulés avant d’être black-out !
Rarement assez puissants pour imposer l’impact sur le premier rideau, c’est dans le jeu courant que leur mobilité et leur technique individuelle font la différence, non sans avoir auparavant user jusqu’à la corde la mêlée adverse. C’est souvent en défense que nos vaillants ont « tué » l’adversaire http://fr.youtube.com/watch?v=ksSGn9sktyI à défaut de pouvoir lui dicter sa loi directement. Moment capital car la rigueur défensive au ras permet largement d’approvisionner les relances assassines dont les français ont le secret : http://fr.youtube.com/watch?v=5S1Vpo...eature=related


Le bonheur est sur le pré

La relance est l’une des spécificités légendaires françaises. Sans pouvoir revendiquer l’exclusivité de la tactique (on le sait les ballons de récupération sont les meilleurs quelque soit le passeport), certains des essais français qui ont marqué les esprits sont le fruit de récupérations.
Les français semblent disposer d’une grande capacité à changer rapidement de rôle, comme si la défense était considérée chez nous comme une étape imposée du jeu ; le « Messieurs les anglais tirez les premiers » revisité en somme. Cette frustation du ballon laissé à l’autre serait comme une préparation fébrile et psychologique à l’envolée. Se retenir avant de lâcher les chevaux ; ronger son frein avant d’appuyer sur l’accélérateur. Dans ce marché aux puces des ballons bataillés de seconde main, la France choisit l’éclaircie. A peine sorti de la matrice, humide et obscure, l’enfant-balle est de suite exposé à la pleine lumière du large, là où l’air semble plus pur. Et là où l’anglois cherche à enfoncer le clou, le français "fou" (autre sens de "marteau") quitte l’établi pour les plates bandes de la touche : http://fr.youtube.com/watch?v=Is7r-YUjj5M, http://fr.youtube.com/watch?v=fP2GxJI7P9o.

Mais là, où le jeu « à la française » trouve sa marque sublime, c’est bien dans l’art de la relance impossible à partir des ballons récupérés par le 3ème rideau. C’est LE mythe : traverser le terrain, torse haut, cheveux au vent : lutin du pré, chariots de feu, Peter Pan insaisissable. C’est l’exploit impossible : le trou de souris, la faille dans la cuirasse, l’effet papillon : d'un rien faire un ras de marée de beauté, d'audace. Serge Blanco y a construit sa légende : http://fr.youtube.com/watch?v=R-VyJ4F7u2M . Mais il n’est que l’héritier d’une belle tradition : http://fr.youtube.com/watch?v=J_oPl3uzKms http://fr.youtube.com/watch?v=Op0icr...eature=related . A nouveau, c’est la capacité à chercher vers les extérieurs après franchissement qui caractérise ces inspirations, comme si le terrain n’était jamais assez grand.

Cette capacité a contribué à la légende des bleus car ces passes qui griffent le terrain sont incompréhensible pour qui recule : la défense ne sait où courir et on a toujours un coup de retard. D’où l’effet de panique proportionnel à l’excitation de l’attaquant qui place ses pions sur l’échiquier pour porter l’estocade. Devant cette facilité, les adversaires des bleus ont trouvé la parade : ils ne jouent plus. Les attitudes de l’Angleterre ou de l’Australie sont caractéristiques à cet égard : ils évitent les extérieurs en première intention et assurent le jeu au pied d’occupation. Seuls les Blacks osent nous proposer un jeu ambitieux : c’est pour cela qu’ils sont devenus nos meilleurs « ennemis ».

(...)

(...)

Construire une cathédrale ?

Puisque le jeu « à la française » a joué à l’arlésienne sous l’ère Laporte (en fait seulement depuis la défaite de 2003 contre l’Angleterre en Australie : le jeu français en CdM 2003 était digne de son nom http://fr.youtube.com/watch?v=k_bv5qm3K_Y ), puisque que le « french flair » n’est qu’une adaptation parfois géniale à une situation plutôt qu’une organisation stratégique, comment peut-on espérer le promouvoir ?



D’abord, remarquons que les français savent aussi être brillants sur des lancements « placés » derrière touche ou mêlée : http://fr.youtube.com/watch?v=HUDYiBi2MB0 http://fr.youtube.com/watch?v=KyRgHaLaBlU http://fr.youtube.com/watch?v=0YKB48lSwGI http://fr.youtube.com/watch?v=mg4y9_ExlcA http://fr.youtube.com/watch?v=76eVfH...eature=related
Il y a une vraie réflexion à mener pour construire des lancements ambitieux en première main (surtout que les avants sont mobilisés) à la manière de l’Australie et de Toulouse qui invente des courses en leurre particulièrement dures à lire pour l’adversaire.

Ensuite, la qualité défensive et la rigueur de la discipline des bleus depuis l’ère Berbizier et sous l’égide de David Ellis doivent être conservées. Elles ont permis l’exploit de Cardiff et restent le meilleur moyen d’attaquer en jouant sur les qualités françaises d’adaptation rapide (les essais de Vincent Clerc dans le tournoi 2008 le prouvent si besoin).



Malgré les efforts de la préparation physique, le potentiel athlétique des bleus reste en-deça des adversaires. Là où Laporte voyait une faiblesse rédhibitoire (au point de tenter de dénaturer nos qualités pour singer celles des autres), il doit être possible de refuser cette fatalité et d’en faire à nouveau une force. Si les franchissements individuelles sont difficiles, il faut les conditionner à une qualité de mouvement collectif à la manière de l’ASM qui est capable de créer des espaces sur la latéralité soit en jouant au pré soit en cherchant directement le large. C’est clairement la ligne directrice du jeu tricolore pendant ce tournoi. Les échecs ne doivent pas nous rendre plus frileux (dans le petit jeu, les Anglais nous encore fait la leçon en Coupe du Monde) : ce jeu demande beaucoup de travail car le replacement est complexe à mettre en place. C’est renouer avec le système des blocs qui avaient vu l’équipe de France renaître de ses cendres en 2002. C’est surtout changer de profil de joueurs au profit de joueurs plus coureurs et capables de jouer devant et dans la défense. L’évolution des règles au profit de l’évitement pourra peut-être favoriser ce jeu moins frontal.



Reste à consolider des fondamentaux sur lesquels les français sont historiquement faibles comme le jeu au pied d’occupation qui ne pose pas seulement un problème technique ou physique, mais surtout une mentalité. Beauxis ou Skrela semblent être moins empruntés, moins complexés quant à l’utilisation du pied. Evidemment, la touche et surtout la mêlée doivent être resolidifiées. No scrum no win.



Enfin, en guise de conclusion, rappelons que plutôt qu’un jeu « à la française », il existe un jeu « qui plaît aux français ». Tous les petits rugbymen de l’hexagone courent derrière la passe impossible ou la relance mythique. C’est cette capacité collective à faire vivre romantiquement (et parfois ridiculement) le mythe qui structure notre vision du rugby. Le jeu à la française est une utopie : un idéal, étalon de la réalité. Mais ce rugby existe : nous en avons une mémoire confuse entretenue par les anciens et qui transforme une passe de 15 mètres en lancer olympique de la beuchigue ou une relance téméraire en couse de Marathon au milieu des soldats de paille. La France porte un désir de jeu, suffisamment fort pour de grands exploits mais aussi structurellement trop faible, propice à de cuisantes déconvenues. Mais qu’importe ! Ce n’est qu’un jeu. Et même parfois, sans doute porté par notre flamme, notre soif d’espace, nos ennemis grands-brittons osent prendre l’accent du pays basco-landais. Comme s’ils voulaient pour une fois montrer qu'ils pouvaient tirer eux aussi les premiers : http://fr.youtube.com/watch?v=AwCbG4...eature=related (BaBaas-NZ 1973).

superbes, ces analyses...
Merci, Blaise

René Deleplace n'est plus


14/01/2010

Rugby - Originaire du Nord-Pas de Calais, René deleplace est décédé hier à l'âge de 88 ans. Considéré comme le «théoricien du rugby français», il a notamment inspiré Pierre Villepreux et l'école toulousaine de rugby. Adepte du rugby de mouvement et de l'adaptabilité constante des joueurs sur le terrain, Deleplace aura apporté ses lettres de noblesse au rugby hexagonal. Un hommage lui sera rendu par la Fédération française de rugby.


Décès de René Deleplace


René Deleplace, dont les travaux sur le mouvement général ont influencé de nombreux entraîneurs de rugby, est décédé . Joueur à un niveau modeste, René Deleplace avait théorisé le rugby de mouvement dans deux ouvrages de référence "Le rugby" (1966) et "Rugby de mouvement, rugby total" (1979). «Il a influencé toute une corporation. Sa théorie était basée sur la liberté d'initiative qui préside au mouvement général. Sa méthodologie a dépassé le strict cadre du rugby pour gagner tous les sports. Il a aussi beaucoup oeuvré pour le développement du rugby dans le nord de la France», a déclaré Pierre Villepreux, ancien entraîneur du XV de France et DTN. (AFP)
L'equipe



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C'était l'inventeur de la formation et du jeu à la française.
Son ouvrage "rugby de mouvement, rugby total" a été une géniale théorisation du rugby de France, ce qui a conduit toute la réflexion de la formation française autour de son "disciple", Pierre villepreux.
C'est ce rugby qui a été vivifié par le ST via Skrela et qui continue d'inspirer N'Tamack et M. Lièvrement, produits de la DTN.
Un grand monsieur.




voir : http://contre-pied.blog.lemonde.fr/2010/01/13/la-disparition-de-rene-deleplace/

Professeur de mathématique, musicien, rugbyman, cet homme à l’élégance déconcertante et placée au même degré que sa modestie, a révolutionné la pensée du rugby en appliquant la théorie des probabilités à la musique et à son sport de prédilection dont il appréciait l’infinie capacité à se régénérer.
(...)

voir http://www.echo62.com/article.asp?num_art=2673

dites, pourquoi les 3 premiers posts de wkm ne sont qu'un 'a' a chaque fois? plus de texte, de lien, plus rien???

arnaud32 a écrit:

dites, pourquoi les 3 premiers posts de wkm ne sont qu'un 'a' a chaque fois? plus de texte, de lien, plus rien???

Comment ça Arnaud ?!

parce qu'il a tout supprimé avant de partir l'an passé

Et c'est bien dommage...

ah c'est dommage...Y'a personne qui a les textes en format word ou autre??? Ou peut etre un lien vers un autre site?

Merci :)

arnaud32 a écrit:

ah c'est dommage...Y'a personne qui a les textes en format word ou autre??? Ou peut etre un lien vers un autre site?

Merci :)

L'auteur de ces posts est Blaise.
Donc, pas de textes informatique ou de liens.
Si notre Rhinoronceros préféré se souvient de ses posts, il peut peut être faire quelque chose.
Sinon, il faudra que tu te fasses une raison.

merci pour l'info! Je vais lui demander si y'a qq chose!
Sinon, par curiosite, serait-ce le WKM du forum de l'hebdo jaune du lundi qui ecrit sous le cerisier?

Yes, le même. Blaise. WKM.

J'ai remis le texte ici en page 2 à mon retour.
Je les avais supprimé car John arguait qu'il ne pouvait supprimer mon compte car cela supprimerait mes posts qu'il voulait garder (quel canaillou ce Cap'taine Flamme !).
Je n'en ai aucune version word car je l'ai fait pour le midol qui ne l'a jamais publié.
C'est ici ou sur RR (où je ne vais guère).

Merci de ton soutien, arnaud.

Ca y est, je viens de tout lire et voire les videos.
L'analyse est, je trouve, remarquable et tres bien documente! J'ai particulierement apprecie l'interview d'andre Boniface qui explique si bien la magie et la beaute du rugby tel que (je) l'imagine et le reve!
Cette quette de l'impossible de l'ireel est tellement inaccessible et l'idee en est tellement "bandante" en meme temps!!!
Merci Blaise!

un hommage a quelqu'un qui me tient a coeur...

http://www.capucistes.com/dynPopup00010225.php

Ca ressemble à une préface d'un livre?

Mat a écrit:

Ca ressemble à une préface d'un livre?

Je ne sais pas... C'est simplement un hommage a quelqu'un qui etait important au PUC et qui avait influence le rugby en France...
C'est sur la page du club des anciens pucistes...

Blaise, je me suis permis de mettre un lien vers ton article dans la discussion du match de samedi sur ce forum. J'ai trouve ton analyse tres interessante, et permettant de mettre en perspective la vision de certains!
Merci encore pour tes points de vue!

EDIT - Euh Blaise, c'est passe ou ton analyse????

http://forums.rugbyrama.fr/showpost.php?p=1545291&postcount=15

Merci Blaise!